Message de CERC à l’occasion de la journée internationale de lutte contre la corruption
Kinshasa – 9 Decembre 2020
Comme vous le savez, la corruption est un obstacle de taille pour le développement et la réalisation de l’objectif consistant visant à mettre fin à la pauvreté. Il est injuste d’utiliser les fonds publics à des fins privées. Cela prive les citoyens pauvres d’accès aux ressources. Cela empêche de fournir aux groupes vulnérables les services dont ils ont besoin. Cela affaiblit la prestation de service social tel que l’éducation et la santé. Et cela mène à l’exclusion, à l’instabilité et au conflit.
Nous payons tous le prix de la corruption
Les effets néfastes et drainants de la corruption, sont directement ou indirectement ressentis par, je dirais, des millions de congolais à travers le pays.
La RDC possède d’abondantes ressources naturelles, mais la population bénéficie rarement de ces richesses. La corruption fragilise également les structures de sûreté et de sécurité telles que les services de police.
La corruption freine la croissance économique, nuit à l’état de droit et entraîne un gaspillage de compétences et de précieuses ressources. Lorsque la corruption est omniprésente, les entreprises hésitent à investir face au coût nettement plus élevé de l’activité économique.
La corruption met en péril la démocratie, la gouvernance et les droits de l’homme en affaiblissant les institutions publiques sur lesquelles se fondent les sociétés justes et équitables.
L’achat de voix en période électorale compromet le processus démocratique, et la justice est remise en question lorsque des délinquants peuvent acheter leur liberté par des pots-de-vin.
Les femmes sont particulièrement exposées à la corruption. En raison de leur exclusion sociale et de l’impossibilité dans laquelle elles se trouvent d’accéder à la protection juridique dont bénéficient d’autres membres de la société, leurs droits économiques, sociaux et culturels sont menacés par la corruption.
La corruption détourne des fonds destinés aux services essentiels comme les soins de santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, l’assainissement et le logement.
La corruption des fonctionnaires de l’Etat constitue une entrave majeure à la capacité du gouvernement à satisfaire les besoins fondamentaux des citoyens.
Cela étant, le coût de la corruption reste considérable en République Démocratique du Congo. Selon les meilleures estimations, les entreprises et les individus versent 15 milliards de dollars de pots-de-vin par an, soit 3 fois plus que le budget de l’Etat. Le coût humain de la corruption est également affligeant. Par exemple, des infrastructures et des routes qui s’effondrent parce qu’ils n’ont pas été construits conformément aux normes.
C’est un problème énorme et c’est un défi sérieux qui affecte et devrait nous unir tous.
Au Centre de Recherche sur l’Anti-Corruption, nous luttons contre la corruption non seulement parce que c’est la chose à faire, mais aussi parce qu’elle a de graves répercussions économiques. Il est essentiel de réduire la corruption et ses effets dévastateurs pour atteindre les objectifs de développement durable. C’est aussi essentiel pour atteindre la révolution de la modernité prônée par le gouvernement congolais.
Les activités de lutte contre la corruption menée par Centre de Recherche sur l’Anti-Corruption depuis 2017 ont produit des résultats concrets.
Nous collaborons avec 35 écoles secondaires pour améliorer la transparence et la qualité de l’enseignement. Depuis 2017, nous avons formé plus de 400 personnes sur les stratégies de lutte contre la corruption et la bonne gouvernance, et se sont engagés à surveiller la prestation de services essentiels tels que la santé, l’éducation, le logement, l’électricité, l’eau et l’assainissement ayant une valeur maximale de 40 millions de dollars américains.
Un objectif fondamental de notre organisation est de veiller à ce que les fonds destinés à des projets au service de la population soient utilisés comme prévu, le but ultime étant de servir les pauvres.
Pour CERC, la lutte contre la corruption ne se limite donc pas aux formations qu’il organise. C’est un problème national et systémique.
Tout d’abord, et au niveau le plus élémentaire, nous savons que des institutions ouvertes et compétentes sont indispensables pour prévenir la corruption. Et pour ce faire, les autorités doivent instaurer et mettre en œuvre les règles strictes en matière de la bonne gouvernance. C’est indispensable si l’on veut changer les comportements et renforcer l’intégrité dans les institutions de l’Etat.
Deuxièmement, la transparence des projets et services publics souvent définis avec la participation des citoyens peuvent contribuer à réduire la corruption.
l’utilisation de la technologie “DevelopmentCheck” — pour indiquer clairement comment les ressources sont utilisées — est un aspect. Cet outil permet de s’assurer que les ressources sont utilisées comme prévu et que les bénéficiaires les reçoivent plus rapidement.
Améliorer la transparence budgétaire et la prestation de services sont des aspects essentiels des programmes du Centre de Recherche sur l’Anti-Corruption (CERC). Et nous collaborons avec d’autres organisations telles que Integrity Action, NORAD, SIDA pour renforcer l’intégrité et la transparence en RDC.
Il est clair que la corruption est un défi social qu’on ne peut pas résoudre seul. Nous devons le faire ensemble.
Pour parvenir à des résultats durables, le gouvernement, les entreprises, la société civile, les Nations Unies et d’autres organisations internationales doivent prendre part à la lutte.
La crédibilité, la confiance, la redevabilité et la transparence doivent devenir nos atouts.
Nous nous sommes fixé comme vision, d’ici 2025, de rendre le Sud-Kivu une province sans corruption. Dans cette province, la corruption n’existera plus. Il y aura l’égalité et la justice pour tous les peuples, en particulier les femmes et les filles.
En fin de compte, le succès de l’action menée contre la corruption ne dépend pas de ce que fait le Centre de Recherche sur l’Anti-Corruption dans ses propres murs, mais des mesures prises par le gouvernement congolais, les administrations territoriales et les citoyens pour stopper ce fléau. Tous ceux réunis ont un rôle essentiel à jouer à cet égard.
Nous devons nous inspirer de ce qui a déjà été accompli pour créer des moyens de lutte contre la corruption plus solides et plus efficaces. Nous pensons que les nouvelles technologies, l’information et la transparence sont la voie de l’avenir dans la lutte contre la corruption et que l’objectif de « tolérance zéro » énoncé par le gouvernement congolais peut nous aider à faire reculer la corruption en RDC.
Je suis certain que nos efforts seront couronnés de succès grâce à la participation du gouvernement, à notre volonté de collaboration et à notre détermination à obtenir des résultats. Nous irons de l’avant en tirant parti de notre expérience mais en sachant qu’il est urgent de transformer la lutte contre la corruption.
Unissons-nous tous contre la corruption pour le développement, la paix et la sécurité en République Démocratique du Congo.
Je vous remercie.
Heri Bitamala