Construire des infrastructures avec intégrité : Le rôle de la surveillance citoyenne et du plaidoyer

La corruption est un défis persistant en République Démocratique du Congo, particulièrement dans la conception et la mise en oeuvre des projets d’infrastructure financés par l’aide internationale et les ressources publiques. Ces projets, essentiels pour le développement économique et l’amélioration de la qualité de vie des citoyens, font souvent face à la corruption à divers niveaux, entraînant des dépassements de coûts, un travail de qualité inférieure et aux retards dans la mise en oeuvre.

La mauvaise gestion des fonds et le manque de surveillance citoyenne ont entraîné la mise en oeuvre de infrastructures de mauvaise qualité ou qui ne bénéficient pas de manière adéquate aux communautés concernées. Cela gaspille les fonds publics, mine la confiance dans les institutions gouvernementales congolaises et entrave le progrès socio-économique de tout le pays. Cependant, des approches innovantes telles que l’utilisation de la technologie et le plaidoyer citoyen offrent des solutions prometteuses pour atténuer les risques de corruption et garantir la transparence et la responsabilité dans le développement des infrastructures.

Le Centre de Recherche sur l’Anti-Corruption (CERC) est une organisation à l’avant-garde de la lutte contre la corruption dans les projets d’infrastructure en RDC. Le CERC a développé des outils et des stratégies innovants pour autonomiser les citoyens et rendre les fonctionnaires gouvernementaux et les entrepreneurs redevables.

CitizenEye est l’une application web et mobile qui permet aux citoyens de documenter et de signaler les irrégularités qu’ils observent dans les projets d’infrastructure, telles que le détournement de fonds, la corruption et la mauvaise qualité de construction. Grâce à la notification en temps réel et aux fonctionnalités de géolocalisation, les citoyens peuvent fournir des preuves directement aux bailleurs de fonds et au gouvernement, renforçant ainsi la transparence et permettant une action rapide contre les pratiques corrompues. De plus, l’application sert de canal de communication pour permettre aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations et d’exiger des comptes des autorités compétentes.

En plus de l’aspect technologique, CERC adopte une approche de plaidoyer citoyen pour compléter ses efforts de surveillance. En organisant des ateliers de formation, des réunions communautaires et des campagnes de sensibilisation, CERC autonomise les citoyens en leur donnant des connaissances sur leurs droits, l’importance de la transparence dans les projets d’infrastructure et des stratégies pour un plaidoyer efficace. Cette mobilisation à la base renforce non seulement la capacité des communautés à détecter et prévenir la corruption, mais elle favorise également une culture d’engagement civique et de responsabilité.

L’impact de l’approche de CERC est évident dans plusieurs cas réussis où la surveillance citoyenne et le plaidoyer ont abouti à des résultats positifs dans les projets d’infrastructure. Par exemple, grâce aux rapports des citoyens et aux campagnes de plaidoyer, CERC a exposé des pratiques corrompues dans un projet de construction routière, entraînant des enquêtes, des mesures disciplinaires contre les fonctionnaires impliqués et la réorientation des fonds pour achever le projet selon les normes.

En exploitant la technologie, la participation citoyenne et le plaidoyer, le modèle de CERC présente une solution viable pour lutter contre la corruption dans les projets d’infrastructure en RDC. Cependant, pour maintenir ces efforts, un soutien continu des parties prenantes, y compris les organismes gouvernementaux, les organisations de la société civile et les partenaires internationaux, est nécessaire. Investir dans des mesures de transparence, renforcer les institutions anti-corruption et promouvoir l’engagement civique sont des étapes cruciales pour garantir que le développement des infrastructures en RDC profite à tous les citoyens et contribue au développement durable.

Auteur: Heri Bitamala

La confiscation et la restitution des avoirs détournés vers l’étranger représentent un outil puissant pour le développement durable en Afrique.

En dépit des nombreux cadres juridiques internationaux, régionaux et nationaux mis en place pour réguler les flux financiers illicites, l’Afrique continue de lutter contre ce fléau qui saigne ses économies et entrave son développement durable. Un rapport de la Conférence des ministres Africains des finances, de la planification et du développement économique, émanant du groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, souligne que ces flux représentent entre 50 et 80 milliards de dollars annuellement, dépassant ainsi le niveau de l’aide étrangère reçue par les pays africains.

Entre 2000 et 2015, l’Afrique a perdu 836 milliards de dollars en capitaux illicites sortis du continent, dépassant largement sa dette extérieure totale. En 2018, malgré les 29,7 milliards de dollars d’aide publique au développement reçus, plus de 50 milliards de dollars étaient perdus en flux financiers illicites. Ces mouvements illégaux privent les pays en développement des ressources nécessaires pour leur progression socio-économique et la construction d’infrastructures de base pour leurs populations.

Une initiative conjointe de l’ONU et de la Banque Mondiale estime que chaque année, entre 20 et 40 milliards de dollars américains sont détournés par des agents publics corrompus des pays en développement vers l’étranger. Ces fonds proviennent principalement de détournements de fonds publics ou de pots-de-vin liés à des décisions publiques telles que l’attribution de marchés publics. Ces pratiques corruptrices ont des effets dévastateurs sur l’économie africaine, aggravant la pauvreté, réduisant les recettes fiscales gouvernementales et décourageant l’investissement étranger.

Les mécanismes de détournement des fonds impliquent souvent des acteurs non africains, ce qui souligne le besoin d’une collaboration plus étroite entre l’Afrique et les acteurs mondiaux pour améliorer la transparence dans le système bancaire international. Il est crucial que le FMI, les Nations Unies, la Banque Mondiale et d’autres institutions accompagnent les Etats africains dans l’adoption de mesures efficaces de lutte contre les flux financiers illicites.

Pour lutter efficacement contre ce fléau, les Etats africains doivent renforcer leurs organismes indépendants de prévention des flux financiers illicites, améliorer la supervision des institutions financières, mettre en place des mécanismes de partage d’informations et sensibiliser le public aux effets néfastes de ces flux sur le développement.

La confiscation et la restitution des avoirs détournés vers l’étranger représentent un outil puissant pour le développement durable en Afrique.

Il est impératif de renforcer la coopération internationale et d’adopter des mesures concrètes pour mettre fin aux flux financiers illicites et promouvoir un développement économique et social inclusif sur le continent africain.

Recommandations à la Conférence des Etats partis à la Convention des Nations Unies contre la Corruption pour éliminer les flux financiers illicites en provenance d’Afrique.

Au partenaires de l’Afrique :

  • Nous recommandons une collaboration plus rigoureuse et un engagement plus cohérent entre l’Afrique et les grands acteurs mondiaux tels que les Etats Unies et l’Union Européenne, afin d’améliorer la transparence dans le système bancaire international, en invitant les banques de partager les informations nécessaires sur les avoirs bancaires (identité, origine des biens et le pays d’origine des dépôts et des déposants).
  • Nous recommandons au FMI, aux Nations Unies, à la Banque Mondiale etc. d’accompagner les Etats Africains dans l’adoption des mesures et instruments de lutte contre les flux financiers illicites afin d’inscrire la question à l’ordre du jour mondial et rechercher une plus grande cohérence des efforts entrepris à cet effet.

Aux Etats Africains :

  • Renforcer les organismes et administrations véritablement indépendants chargés de prévenir les flux financiers illicites ;
  • Améliorer le régime de supervision des banques et des institutions financières non bancaires ;
  • Mettre en place un mécanisme d’analyse de la nature et de l’étendue des flux financiers illicites en provenance d’Afrique et diffuser l’information auprès du grand public pour le sensibiliser aux effets négatifs des flux financiers illicites en provenance d’Afrique ;
  • Se doter des mécanismes de partage et de coordination de l’information entre diverses institutions et administrations publiques en charge de la prévention des flux financiers illicites.

Auteur: Musa Nzamu ([email protected])

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1 Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1990 (1), Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée de 2003 (2), la Convention des Nations Unies contre la Corruption de 2005 (3), Convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la Corruption (2006), (4) la position commune sur le recouvrement des avoirs 2020, (5) Initiative de la Banque mondiale et de l’ONUDC pour le recouvrement des avoirs volés, (6) Forum mondial sur le recouvrement des avoirs et les principes de disposition et de transfert des avoirs volés confisqués dans les affaires de corruption, (7) Recommandations du Groupe d’action financière, (8) Le protocole de la Communauté de développement de l’Afrique Australe contre la corruption, etc.

2 Flux financiers illicites, Rapport du Groupe de haut niveau sur les flux financiers illicites en provenance d’Afrique, Rapport établi à la demande de la Conférence conjointe UA/CEA des ministres des finances, de la planification et du développement économique.

3 L’Afrique pourrait gagner 89 milliards de dollars par an en freinant les flux financiers illicites (CNUCED) | ONU GENEVE (ungeneva.org), 28 septembre 2020.

4 Les flux financiers illicites en Afrique : Les mouvement illégaux d’argent qui ont lieu en grande quantité chaque année ne permettent pas aux pays en développement de disposer des ressources nécessaires pour progresser et construire une structure publique de base pour la population, disponible sur : Les flux financiers illicites en Afrique (atalayar.com) et sur L’hémorragie financière de l’Afrique : les Flux Financiers Illicites (FFI) | Financial Afrik

5 UNODC/The World Bank, Stolen Asset Recovery (StAR) Initiative: Challenges, Opportunities and Action plan, 2001, p.1

6 BALMELLI T., « La restitution internationale des avoirs acquis par la corruption : de l’obligation morale à l’obligation juridique », in BALMELLI T., JAGGY B., les traités internationaux contre la corruption, EDIS,2004, p. 63)

7Comprendre les impacts socio-économique et les implications politiques des flux financiers illicites en Afrique, disponible sur https://archive.uneca.org/fr/iff-fr/pages/comprendre-les-impacts-socio-économiques-et-les- implications-politiques-des-flux

8 The Nyanga Declaration on the Recovery and Repatriation of Africa’s Wealth.

9 CCFD-Terre Solidaire, Restitution des avoirs détournés : Chronique 2009 – 2010 d’un engagement qui patine, 2009, p5

10 Nations Unies, Commission économique pour l’Afrique, vers un régime juridique global et cohérent pour le recouvrement des avoirs, 2023, p.vii.

CERC et les parlementaires congolais s’engagent pour l’éducation à l’Intégrité en RDC

La République Démocratique du Congo (RDC) franchit une étape significative dans la lutte contre la corruption et la promotion de l’intégrité au sein de son système éducatif. CERC a récemment conclu un protocole d’accord historique avec le réseau des parlementaires africains contre la corruption. Cet accord vise à élaborer deux propositions de loi cruciales pour l’intégration des Clubs d’Intégrité et de l’éducation à l’intégrité dans le secteur de l’éducation de la RDC.


Une alliance pour l’intégrité

La corruption constitue un obstacle majeur au développement économique et social de nombreux pays africains, y compris la République Démocratique du Congo. Le secteur de l’éducation, pilier fondamental de la construction d’une société éthique et prospère, n’est pas épargné par ce fléau. Face à ce constat, le CERC et le réseau des parlementaires africains contre la corruption ont uni leurs forces pour mettre en place des mesures concrètes visant à éradiquer la corruption dans le domaine éducatif.

Les propositions de loi : des outils essentiels

Le premier volet de ce partenariat historique consiste en l’élaboration de deux propositions de loi novatrices. La première proposition vise à intégrer les « Clubs d’Intégrité » au sein des écoles de la RDC. Ces clubs, composés d’élèves et d’enseignants volontaires, auront pour mission de sensibiliser à l’importance de l’intégrité, de promouvoir les valeurs citoyennes et de lutter activement contre la corruption au sein de leur établissement.

La seconde proposition de loi prévoit l’introduction d’un cours d’éducation à l’intégrité dans le cursus scolaire. Ce cours, adapté à chaque niveau d’enseignement, fournira aux élèves les connaissances et les compétences nécessaires pour reconnaître, prévenir et dénoncer les pratiques corruptives.

Un impact potentiel colossal

L’intégration des Clubs d’Intégrité et du cours d’éducation à l’intégrité dans le secteur de l’éducation de la RDC promet un changement radical. En sensibilisant les élèves dès leur plus jeune âge à l’importance de l’intégrité et en leur fournissant les outils nécessaires pour agir contre la corruption, ces mesures ont le potentiel de transformer la mentalité collective et de forger une génération d’individus intègres et engagés.

Un partenariat pour l’avenir

La signature de ce protocole d’accord marque le début d’une collaboration fructueuse entre le CERC et le réseau des parlementaires africains contre la corruption. Ensemble, ils œuvreront pour faire de l’intégrité une valeur fondamentale de l’éducation congolaise, et ainsi contribuer à l’essor d’une société plus juste et éthique.

Impact de la corruption sur les femmes en RDC

En République Démocratique du Congo, les efforts déployés pour lutter contre la corruption ne tiennent malheureusement pas toujours compte de l’impact spécifique que la corruption a sur les femmes. Les femmes sont souvent les plus touchées par la corruption, car elles sont plus susceptibles d’avoir un accès limité aux services publics et aux ressources économiques.

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